Deux livres blancs...


...dont les auteurs s'appellent 'Jean'. La mort de L'Art vivant et la mort d'une vieille fille. Le laid le beau, le bien le mal. Il y a beaucoup de livres que je ne lis qu'à raison de quelques pages tous les soirs, mais ces deux-ci l'ont été presque d'un trait, sans rester toute la journée au chevet du lit.

Jean Clair : De Immundo, Galilée, février 2004
Jean Fougère : Nos tantes d'Avallon, Robert Morel éditeur, février 1969.
Et deux tirages de février...

Il n'y a eu...

... que temps perdu. Que des secondes d'un peu de vie dans la caverne du mort-né. Il ne sait pas quel lange, quel sourire, quel scaphandre aux semelles de plomb, quel boulet a entravé ses pas, quelles menottes ont attaché ses mains.
Il y a eu le nom comme un camion de terre déversé sur lui dans le soleil d'un matin d'été, il y a eu les rires qui pulvérisaient ses gestes, il y a eu les voix qui prononçaient verdict et énonçaient les peines, il y a eu les bêtes sous chaque chose soulevée, il y a eu la honte dans le désir de voir, peur aux fenêtres et aux portes.
Il y a eu PERDU écrit au dos des emballages des bonbons du dimanche, et le crayon lui-même n'a jamais su rien d'autre que courir à sa perte.
Car les habits du personnage de composition n'ont même plus cours dans les réserves muséales. La messe a été dite et le rideau est retombé. Que place soit faite à la ducasse sans lieu, à la musique joyeuse du définitif plaisir d'être. Dehors les morts.
Les passantes continuent de marcher sur les tombes.

L'alchimiste blanchi aux gaz des alambics
Voudrait du coup ranger les grotesques, les grands
Projets d'ors mirifiques des saisons fanées,
Voudrait Stop ! ne plus croire aux films à la Warner,

Le marin immobile des ronds-points ronflants
Ne pas savoir brisée la lampe de Vincent -
Des troupeaux cultivés vont le long de la plage
Dévorant les épaves du mort sur sa gîte

Et de jolies baigneuses bronzent dédaigneuses
À l'arc-en-ciel clinquant des écrans à cristaux :
Bikini chimérique et regard de santons.

Ali-Baba a - où ? -blié le mot Sésame
Et le coin d'un sourire ourdit noir tamisé
Le Tu veux voir des nus ? des allumées funèbres.

(Jeudi 11 novembre 2010, dernier état du devoir de mémoire,
écrit pour un projet de Guy Ferdinande )

Bref

Marcel Béalu : Les Mémoires de l'ombre Cent vingt récits brefs
Bibliothèque Marabout Fantastique n° 402 - Éditions Gérard  & Co, Verviers, 1972
Cioran : De l'inconvénient d'ëtre né
Folio Essais n° 80, Gallimard 1994

Papier recyclé

État non définitif de la carte postale maison
envoyée le 20 août dernier à E 
pour son projet "Envoyez-moi votre âme!", 
suite à sa participation à mon projet "Tournez la page"

Image du monde

Larrons en foire :
Compétitivité! (dit le quatrième).
Pauvres de nous.
Quel saut (longueur, hauteur, haies?) entre combat et compétition*?
Nous n'avons même pas à faire l'amalgame : il se fait ici partout tous les jours - tout seul, voudrait-on qu'on pense.
* Colette Magny n'a plus la parole - si tant est qu'on la lui ait jamais beaucoup laissée.

Quand on est athée...

... et qu'en plus on pense avoir été plus ou moins détruit par la religion catholique, ce n'est pas sans malaise, sans sentiment d'incohérence, qu'on lit quelqu'un pour qui « Dieu », du moins à la surface, ne fait pas question. Et qui plus est quand on se trouve ça et là séduit par ce texte, comme, il y a des années, par Principes et préceptes du retour à l'évidence. Il faut quand même reconnaître que c'est ici par ce qui serait un détournement, voire une perversion, de la lecture des textes fondateurs. Peut-être la seule possible, la seule valable. Ni l'auteur, ni l'abbé Pierre n'ont été des saints, s'étant confrontés, autant au dehors qu'en eux-mêmes avec l'humanité. Ce dernier mot, parce qu'on n'en trouve pas d'autre, à prendre au degré zéro.

« Pour éviter la fin du monde (1973) est la relation de huit entretiens de Lanza del Vasto avec des Canadiens au lac Saint-Côme, à la lisière du Grand Nord. » (Le L. de P. p.1)
Extrait du Cinquième entretien « Des quatre fléaux et de leur cause : le péché », p. 110-111 :

Comment se fait-il que, subitement, comme par un coup de baguette magique, la nature devienne pur Adam des pierres et des épines ? - par l'effet de la science du bien et du mal ! Cette science commence par la science du plaisir et de la douleur, un grand travail de l'esprit que ne font pas ces imbéciles d'animaux ! Un animal cherche son plaisir, bien entendu, mais il cherche surtout le bien qui provoque ce plaisir ; il évite la blessure qui provoque le déplaisir. Mais nous, nous avons trouvé le moyen de multiplier les plaisirs, même quand ils nous font du mal.
D'où vient le plaisir ? Il vient de la satisfaction des besoins. Mais quand le besoin est satisfait, le plaisir cesse. Or, c'est décevant ! Nous allons donc retarder ça, faire de merveilleuses spéculations là-dessus. Évidemment, manger de l'herbe, c'est un plaisir limité. Nous, munis de la science du bien et du mal, nous allons allumer un feu, faire cuire, y mettre du sel et un peu de poivre, puis un peu de sauce : ce sera un chef-d’œuvre de la connaissance du bien et du mal. Nous ferons cela pendant des générations et des générations, jusqu'à ce que l'herbe nous sera tout à fait nauséeuse et même nuisible. Nous aurons besoin de fruits qui viennent de loin, en toute saison. Alentour, on ne voit que des pierres, que des cailloux : on a l'habitude de si bien manger que tout ce qu'on trouve autour de soi devient vraiment dégoûtant, à vous en donner des nausées authentiques et sincères !
Alors il faut que tu travailles. Tu te mets à bêcher la terre comme ce pauvre Adam ou tu la fais bêcher par quelqu'un d'autre, le plus loin possible de toi car tu n'aimes pas voir quelqu'un qui sue – c'est désagréable et tu es délicat. Toi-même, tu vas te garder de suer. Tu vas inventer toutes sortes d'occupations pour ne pas travailler. Car un des grands axiomes de la science du bien et du mal, c'est qu'il est plus facile de tirer son bien du prochain au moyen d'une arme que de le tirer de la terre avec un outil. L'outil, tu vas le donner à celui que tu as subjugué pare les armes – les armes de fer ou les armes légales, ou encore les armes économiques. Tu en as subjugué un certain nombre : tu les mets au travail, tu leur donnes avec grandeur une petite part de l'argent qu'ils te font gagner. C'est très intelligent.
Vous voyez comme il est beau d'être instruit et comme la science du bien et du mal fait des progrès tous les jours.

Lanza del Vasto 
Pour éviter la fin du monde 
Le Livre de Poche 1979

À la colle et à l'encre


Joconde de la Manche
À Magritte & à Blériot
Cartes postales JNP 1986
Impression CPM Magazine Le Grand-Lucé France