Je répondrai à vos silences, dit-il

Mon projet d'art postal Silence implique que je réponde à chaque contributeur par une réponse selon les mêmes règles que l'envoi souhaité, ou sur un thème au choix. L'exercice est plus ou moins facile, plus ou moins excitant et produit des surprises.

Ayant annoncé que je rompais avec la convention selon laquelle on accepte tout, je n'ai pas eu à mettre à la corbeille beaucoup d'envois reçus. A ceux et celles qui m'envoient de bonne foi autre chose que ce que je souhaite j'envoie un courrier postal - 'snailmail' disent les artistes postaux pour le distinguer du courrier électronique - pour le leur rappeler.

Reste tous les autres et j'essaie de leur répondre vraiment par ce qui est pour moi du mail-art. L'art posté en serait le degré zéro, ce qui ne veut pas dire nul : un dessin, une photo, une peinture, création, copie ou recyclage, avec ou sans rapport avec ce qu'on suppose être le thème, j'essaie de m'accorder à l'énergie ou à la recherche de l'expéditeur. Ensuite vient ce qui m'intéresse, c'est à dire toutes les inventions possibles, et du même coup le plaisir et la difficulté.

Un cas en particulier m'a posé un problème différent. Envoyées une par une, une série de cartes avec des dessins traitant explicitement le sujet de la parole muselée ou contrariée, le thème du masque et du bâillon. Le problème : des dessins travaillés, mais envoyés sous forme de photocopies ou impressions numériques déchirées, collées de façon à mimer des croquis réels.

Je fais peut-être erreur, mais il me semble que beaucoup de gens qui font de l'art, soient ne veulent pas le galvauder dans ce loisir de ménagères, c'est leur droit, et ils n'y participent pas, soient considèrent l'art postal comme un moyen publicitaire supplémentaire, pourquoi pas, c'est de bonne guerre, mais certains rechignent à jeter leurs originaux au péril de cette dévalorisation éhontée.


Il fallait en faire autant. Surmonter ta flemme et les questions qui la sustentent : pourquoi dessiner quand tu n'arrives par ce moyen qu'à faire de la reproduction photographique, sans rien qui risque d'être considéré comme artistique aujourd'hui, pourquoi représenter encore de préférence de jeunes et jolies femmes quand tu es vieux et que tes désirs n'ont jamais fait qu'empoisonner ta vie?

Tu reprends une pile de vieilles revues de cinéma, cherches des visages qui à la fois te plaisent et sont visiblement silencieux, des visages de créatures qui ne sont probablement plus de ce monde. Tu te remets à dessiner. Tu n'emploies même plus la méthode des petits carreaux, tu effectues des passages. Tu vas intituler tes cartes réponses "Le silence des stars".

Le passage à la boutique de photocopie va te surprendre : les reproductions laser ont plus d'allure et de punch que tes originaux. Question de réglage du contraste, mais quand même : tu les trouves pas mal - trop bien diraient les jeunes - les cartes postales que tu envoies! Ci-dessous le premier dessin de la série et sa copie laser, ou du moins ce qu'en donne ton scanner médiocre.



Ann Sheridan d'après photo Donald B. Keyes in Mon Film n°132 du 2 mars 1949

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