D'un côté le jardin

D’un côté le jardin : appel des plantes, coups de pouce et coups de freins, pichenettes en un rien résorbées par l’incontrôlable circulation des sèves, juste un temps à côté, saisonnier parallèle plus ou moins debout, plutôt courbé ou à genoux, puis sombrer pour toujours dans la terre rassurante.

D’un côté la folie : ce besoin, cette envie encore et toujours de repartir à contresens, de refaire le pas de trop, de s’atteler sans raison valable à une chimère naturellement rhabillée de nouveaux oripeaux, de quitter comme les bêtes de Marcel Aymé l’étroite étable des conditions natales, de franchir enfin le bleu du seuil, et quand bien même la porte battante, tel le leurre clignotant des néons forains, telle la buée significative des mots tirés au sort, ne serait qu’un saut de page.

Entre deux la fièvre et la fébrilité, l’abattement et l’inertie, le train sans arrêt. D’abord chercher, collectionner et accumuler les choses, faire remparts de cartons remplis, surtout boucher les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux. Dans la maison de La peur, écrire l’horreur qui malgré tout s’infiltre, les images polarisées qui déforment le rapport aux autres, les imaginaires débuts d’aventures, les histoires sans corps et les rêves mortifères. Faire des proclamations sans suite, tomber de haut et se réveiller vieux. Se saouler une dernière fois d’activités tous azimuts, affronter au-dehors le néant qui s’approche, aller jusqu’à tricher, jusqu’à faire semblant, jusqu’à se perdre dans un rôle ou un autre, jusqu’à soi-même se croire une fois intégré au groupe, enfin inaperçu, sans marque ni signe rédhibitoire, enfin branché sur le réseau, enfin compris dans le total.

Surtout fuir l’échéance : ni créer ni écrire, ni dessiner ni peindre. Dans la soupente du garage, la fenêtre de toit éclaire rarement l’installation magique. Un petit bureau en bois et une chaise en tube ont jusqu’ici exorcisé les démons intimes. Le lit voisin est incongru. Le monde est plein de pièges.

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