C'est été

C’est été comme hiver comme un bloc de coton
Comme un glacier d’enfer débarqué d’Acadie
Où les bruits assourdis n’ont pas plus de couleur
Que le papier hideux des rêves difficiles

Là les livres se taisent sans avoir parlé
Et un homme en retard balbutie ABC
Au carré transparent de la mentale épave
Chute chut cerf-volant Dieu n’est pas isocèle

C’est l’été c’est l’hiver c’est le terrier igloo
Aglagla sue à gouttes le cheval fardé
C’est les terres les sables c’est que le bât blesse

Encore un dit ravi le bison solitaire
Cette impression d’écrit a comme un goût d’Afrique
Mais on soupe longtemps de l’amourette à l’eau

Jean-Noël Potte

Parmi les travaux de J

« Parmi les travaux de Julien-bâtisseur, il y a, à cette époque, une entreprise qui donne à rêver : il construit, en effet, une cellule. Une vraie cellule, avec une forte porte, et des barreaux à la fenêtre. Pourquoi cette reconstitution du vieux cauchemar ? Ni l’un ni l’autre ne s’est expliqué là-dessus bien clairement, et toutes les hypothèses sont permises. Selon une lettre d’Albertine à son éditeur (qui la dissuade vivement de donner suite à ce projet) elle aurait aimé se faire enfermer pour écrire dans un décor nu qui rappelât le décor où elle avait le plus écrit. Une autre explication serait que le premier des deux tenté de faire "une bêtise" irait passer quelques jours dans la cellule domestique, le temps de se rappeler les bonnes raisons vite oubliées de ne rien faire qui rapprochât de la prison. Peut-être l’un et l’autre, mais surtout Albertine, avaient-ils pris conscience que les prisonniers ont beaucoup de privilèges, et sont très préservés de la dispersion du dehors. Peut-être avaient-ils besoin de retrouver parfois la solitude vraie, sans regards sur eux, - sans ce regard aimant, intelligent, qui les faisait presque transparents l’un à l’autre. Peut-être tout bonnement leur fallait-il une vraie cellule pour user et abuser du libre plaisir d’en sortir à volonté ? Pour être délivrés l’un par l’autre pour rire, comme ils s’étaient vraiment l’un l’autre délivrés ? On n’ose pas croire, quand même, que ce fût pour jouer à s’évader… mais qui sait ?
La cellule de La Tanière ne devait jamais s’achever. »

Josane Duranteau, Albertine Sarrazin, éditions Sarrazin 1971, p.194-195.